Formation professionnelle : l’opportunisme des entreprises françaises

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Si tous les pays européens ont maintenu leur effort de formation pendant la crise sanitaire de 2020, les entreprises françaises se distinguent par leur capacité à s’adapter au contexte et à profiter des dispositifs publics, comme le montre l’enquête CVTS (Continuing Vocational Training Survey) parue dans le numéro 450 de la revue Bref du Céreq.

La formation, un élément bien identifié de la stratégie de développement

Les comparaisons européennes révèlent la façon dont les entreprises ont intégré la formation de leurs salariés dans leurs stratégies RH et économique, outils de développement de leur activité.

Divers indicateurs illustrent cette tendance, et révèlent que les pratiques de formation des entreprises françaises se distinguent par l’accumulation de valeurs significatives pour l’ensemble de ces indicateurs.

Une évaluation régulière des futurs besoins en compétences

En Europe, 27% des entreprises évaluent constamment leurs futurs besoins en compétences. En France, elles sont 39%, proportion importante que l’on retrouve en Finlande, en Suède ou en Espagne. Par ailleurs, les entreprises françaises déclarent des besoins en compétences plus spécifiquement et majoritairement attachés aux postes de travail. Plus de la moitié d’entre elles (55% contre 43% en moyenne en Europe) identifient les compétences techniques et spécifiques au métier comme celles devant prendre le plus d’importance.

Pour anticiper leurs futurs besoins en qualifications et compétences, l’option de la formation est particulièrement privilégiée par les entreprises, qu’il s’agisse de former les salariés déjà en place (90% en France, 64% en Europe) ou de former spécifiquement les nouveaux recrutés (62% en France, 43% en Europe). Cela s’avère particulièrement vrai pour les petites entreprises. Le recours à la formation n’est pas aussi évident pour toutes les entreprises européennes, l’option la plus fréquente étant le recrutement de nouveaux salariés avec les compétences adéquates (66%) et ce, quelle que soit la taille de l’entreprise.

Adaptation au contexte de crise et effet d’aubaine

Le maintien de l’effort de formation est un trait marquant des pratiques des entreprises en Europe malgré la crise sanitaire. Les taux d’accès se sont ainsi globalement maintenus en Europe (42% en 2020 contre 43% en 2015), et en France (47% en 2020 contre 48% en 2015). Mais il est surtout important de constater que les pratiques et les modalités de formation se sont adaptées avec la crise sanitaire : pour la première fois, en moyenne, les entreprises ont plus souvent formé leurs salariés selon d’autres modalités que des cours et stages. Ceci est particulièrement vrai en France.

Néanmoins, ce recours accru aux formations en situation de travail semble devoir être interprété comme la façon la plus simple pour les entreprises de répondre à leurs besoins immédiats dans un contexte de crise, en recentrant la formation sur les compétences métiers, plutôt que comme une plus grande ouverture de la formation à des publics qui en étaient jusque là exclus. La fin du modèle français fondé sur les cours et stages ne semble donc pas encore à l’ordre du jour.

L’apprentissage, un succès principalement dû aux aides publiques

Concernant l’apprentissage, les entreprises françaises se démarquent particulièrement par leurs motivations, mettant en avant le caractère opportuniste de leurs pratiques dans le contexte des mesures incitatives en faveur de l’accueil d’apprentis. En Europe, 90% des entreprises déclarent accueillir des apprentis pour les former à des qualifications correspondant aux besoins de l’entreprise. C’est aussi le cas pour 85% des entreprises françaises, les petites entreprises ne se démarquant pas.

Mais seules 52% des entreprises européennes reconnaissent utiliser les capacités productives des apprentis tout en leur permettant de se former. Cette proportion est nettement plus importante en France avec 71% de l’ensemble des entreprises (70% des petites entreprises et 76% des grandes). Ces quelques données semblent indiquer que ce recours accru à l’apprentissage reste lié aux aides apportées aux entreprises en la matière.

Consultez le n°450 « Formation professionnelle en entreprise, la France se distingue de ses voisins européens » de la revue Bref du Céreq ici.