Le chômage des jeunes pas impacté par la hausse du nombre d’apprentis

Getting your Trinity Audio player ready...

Selon Eurostat, la direction générale de la Commission européenne chargée de l’information statistique, le chômage des jeunes de moins de 25 ans en France est resté au même niveau entre décembre 2019 et décembre 2022, avec 575.000 sans emploi, alors que le nombre d’apprentis sous contrat a doublé sur le territoire entre 2019 et 2022.

Plus de 8 milliards d’euros d’aides publiques à l’apprentissage

Au 31 décembre 2022, la France comptait plus d’un million d’élèves en alternance (contrats d’apprentissage et de professionnalisation), selon les chiffres du ministère du Travail publiés le 3 mars. Un record atteint grâce à la loi Avenir Professionnel de 2018 qui a simplifié l’accès à l’apprentissage : tout employeur peut embaucher un jeune qui se partage entre son école et l’entreprise et, surtout, il perçoit une aide exceptionnelle de 6.000 euros à chaque contrat signé, en plus des exonérations fiscales.

La France a consacré 21,6 milliards d’euros au financement de l’apprentissage en 2022, dont 8,2 milliards étaient à la charge de l’État. L’objectif de ce budget (supérieur à celui de la recherche) est de faire baisser le chômage des moins de 25 ans en les insérant mieux. Pourtant, malgré un marché du travail dynamique, le nombre de jeunes sans emploi ni formation est reparti à la hausse. Et toutes les études alertent sur les difficultés d’embauche des entreprises, comme celle de l’Apec début février. Il y a plus de 365.000 postes de cadres vacants, notamment dans le commerce, l’industrie et la santé.

Ce décalage peut surprendre, alors que 60% des contrats en apprentissage profitent aux étudiants en bachelor et master. Selon les points de vue, il s’explique par les pratiques des employeurs qui feraient « tourner les apprentis pour avoir une main-d’œuvre qualifiée pas cher » (selon un conseiller ministériel cité par Challenges) ou par un manque d’accompagnement que souligne le taux de rupture des contrats (28% en moyenne), selon le président de l’Association nationale des apprentis de France Aurélien Cadiou.

Une aide à l’apprentissage mal ciblée

La pertinence de l’aide à l’apprentissage pose clairement question. Depuis 2020, elle s’applique à tous les contrats d’apprentissage jusqu’au niveau master (bac+5) alors qu’elle ciblait jusqu’alors les lycéens des filières professionnelles et les entreprises de moins de 250 salariés.

Cet élargissement a provoqué une sorte de « ruée vers l’or » encouragée par un gouvernement désireux d’atteindre le million d’apprentis. Ainsi, ce marché peu régulé a vu fleurir de nombreuses formations dont le sérieux et la qualité peuvent être questionnés. Par exemple, l’usage abusif des termes licence et master est monnaie courante, tout comme la promesse d’équivalences qui n’existent pas.

Pourtant, « l’argent facile » continue de pleuvoir, permettant à certaines entreprises de formation d’afficher des marges opérationnelles de 50%, ce que dénonce par exemple Philippe Choquet, président de la Fesic (qui représente le secteur privé à but non lucratif), pour qui ces entreprises à but lucratif « détournent les candidats de nos écoles en faisant miroiter l’apprentissage, et les étudiants n’osent pas se plaindre car ils ne paient pas leur scolarité et touchent un petit salaire ».