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La loi de finances 2025 introduit un changement notable dans le modèle de financement de l’apprentissage. Le gouvernement a en effet annoncé le 30 avril dernier que les formations en apprentissage dispensées à plus de 80% à distance subiront une réduction de 20% de leur financement à compter du 01 juillet 2025.
Cette mesure, dont la mise en œuvre doit encore être précisée par la publication d’un décret, soulève de nombreuses interrogations tant sur son application que sur ses répercussions pour les organismes de formation.
Un modèle économique menacé
Le futur décret d’application devra relever plusieurs défis : comment définir et quantifier l’enseignement à distance en contrat d’apprentissage ? Le Code du travail reconnaît cette modalité sans en proposer de définition précise, créant un vide juridique inquiétant. Contrairement à la formation continue qui bénéficie d’un cadre précis pour le distanciel (accompagnement technique, information sur les activités, évaluations…), l’apprentissage reste dépourvu de telles précisions.
Le financement de l’apprentissage repose traditionnellement sur une logique globale liée à la durée du contrat, et non aux heures d’enseignement dispensées. Les Centres de Formations d’Apprentis étant rémunérés pour l’ensemble de leurs missions : accompagnement, médiation, orientation professionnelle, coordination entre formateurs et maîtres d’apprentissage… La mesure annoncée menace ce modèle en introduisant une tarification liée au mode pédagogique, rapprochant dangereusement l’apprentissage du modèle de la formation continue.
Pour les organismes proposant des formations hybrides, cela impose une nouvelle contrainte administrative et soulève de nombreuses questions pratiques : faut-il distinguer entre les cours à distance suivis en temps réel avec un formateur et les cours consultés librement par l’apprenti ? Qui mesurera et contrôlera ces proportions? À quel moment les OPCO décideront ils de la minoration du financement : au dépôt du contrat ou à la facturation?
La distinction entre apprentissage et formation continue, jusqu’alors claire dans les textes, semble s’estomper. L’apprentissage se voit désormais évalué selon des critères quantitatifs propres à la formation continue.
Quel impact pour les organismes de formation ?
Face à cette nouvelle donne, les organismes de formation pourraient adopter différentes stratégies. Certains pourraient réduire leur offre à distance pour rester sous le seuil des 80%, au risque de perdre en flexibilité et en attractivité. D’autres pourraient au contraire l’assumer pleinement, en espérant compenser la perte de financement par des économies d’échelle permises par le format numérique.
Cette réforme pourrait également avoir des conséquences importantes sur l’accès des candidats à l’apprentissage. Les formations fortement digitalisées, touchées par la baisse de financement, risquent de voir leurs coûts augmenter ou leur qualité diminuer. Or, ces programmes permettent souvent l’accès à l’apprentissage de publics éloignés des centres urbains ou ayant des contraintes particulières d’accès à la formation. Cette baisse des financements pourrait paradoxalement réduire l’inclusivité du système.
Entre impératifs budgétaires et nécessité de modernisation, l’apprentissage se trouve donc à la croisée des chemins. Le décret d’application de cette nouvelle mesure sera déterminant pour l’avenir du secteur.